Fidèle à ses engagements éditoriaux, la revue Gibraltar, Un Pont entre deux Mondes revient une fois par an avec de nouvelles escales qui racontent, en faisant un pas de côté, des histoires fortes, emblématiques, autour de la Méditerranée, sans souci des frontières et des murs érigés de-ci, de-là.
Ce nouveau numéro se penche sur les îles de Méditerranée, à travers récits et imaginaires. Dans ce foisonnant vivier de mythologies, évocations romancées ou véridiques, Gibraltar a choisi plusieurs récits aux antipodes. Sous la plume de Mathieu Arnal, les soubresauts du volcan Stromboli, film éponyme du réalisateur italien Roberto Rossellini dirigeant en 1949 sa muse Ingrid Bergman, font écho au calme trompeur des îles de Lérins ouvertes vers le grand large, face à la ville de Cannes, sous la plume d’Hubert Prolongeau. Et qui mieux que le roman ou la fiction pour évoquer d’autres intimités, celles des familles grecques parties vivre sur l’un des confettis de la mer Égée, dans l’archipel des Cyclades, pour échapper à l’horreur économique dans un texte intitulé Le salut viendra de la mer de Christos Ikonòmou ? Fiction toujours avec un récit parodique qui évoque les tribulations d’un politicien déchu sur l’île croate de Terzola et ses habitants farfelus, que vous ne trouverez dans aucun atlas de l’Adriatique, raconté par Renato Baretic.
Pour ouvrir ce numéro, intéressons-nous à un poète au faîte de sa gloire. Deux mille après la mort du poète romain Ovide, on lit toujours ses Métamorphoses. Jean-Luc Lévrier, spécialiste et passionné d’Ovide, évoque la renommée connue de son vivant et de son bannissement par l’empereur Auguste. Le poète un brin irrévérencieux a déplu au pouvoir, il a semble-t-il vu quelque chose qu’il n’aurait pas dû voir…
Ils ont aussi des prénoms et des visages. Le récit photographique d’Olivier Jobard raconte l’intimité des migrants fuyant la guerre en Syrie. Avec “Tu seras suédoise ma fille”, deviennent enfin palpables la route de l’exil d’une famille syrienne, débarquée sur une île grecque, et sa traversée clandestine de l’Europe jusqu’en Suède, sa terre d’accueil.
Dans Hélène, retour à Beni Bahdel, Pierre Daum, journaliste au Monde diplomatique, revisite le passé colonial de la France en Algérie à travers un regard féminin dans une fiction très actuelle. Hélène, fille d’un ancien appelé, accompagne son vieux père sur les lieux de son affectation militaire. Le passé refait surface d’une manière inattendue sur la question des harkis, ces supplétifs de l’armée française dont beaucoup ont survécu, contrairement à l’idée répandue de leur massacre systématique lors de l’indépendance.
Les mémoires des vaincus sont tenaces. Même niées ou dédaignées, elles finissent toujours par resurgir et prendre la parole comme celle de TV Toumast, la saga de la première télé touareg, première du genre à s’intéresser exclusivement aux hommes du désert, qui a émis de 2014 à 2016 depuis Londres.
Dans un récit à deux voix intitulé Ode à la Isabela, Santiago Mendieta évoque un village castillan en Espagne à la brève existence (1826-1955), vu À travers les jours lumineux de l’enfance et englouti sous les eaux de l’un des innombrables barrages édifiés sous le franquisme,
Les escales de Gibraltar nous mènent des pistes de Toulouse-Montaudran à Casablanca sur les premières lignes aériennes Latécoère qui transportaient dès fin 1918 le courrier postal vers Barcelone, puis les côtes espagnoles puis africaines. Une libre évocation en bande dessinée d’un pilote à la recherche d’un fils né au Maroc, signé de Yohan Colombié-Vivès, un récit BD intitulé Toulouse-Casablanca, Aller simple.
Sur les contreforts du Haut-Languedoc (Hérault), écoutons la parole d’un “Doux bandit”, Jean-Baptiste Libouban, apôtre de la non-violence, co-créateur du mouvement des Faucheurs volontaire et, fidèle à la pensée de Lanza del Vasto. Enfin, dans un riche entretien, le chercheur et essayiste Thierry Fabre, concepteur des Rencontres d’Averroès à Marseille, esquisse pistes et réflexions pour “Penser l’après du désastre” en Méditerranée.
