Nous écrivions dans notre numéro 3, à cette même place, combien la Méditerranée, berceau de tant de civilisations, mosaïque de peuples et de paysages incomparables, était le plus bel endroit du monde. Ce carrefour entre trois continents se présente autant comme un creuset d’échanges et de partage qu’un espace d’exclusion. Aussi, le doute sur la coexistence pacifique peut-il en effleurer plus d’un. L’actualité nous rappelle le drame des réfugiés en mer, les portes de l’Europe frileuse qui se referment, la montée des égoïsmes nationaux et du repli sur soi, mais aussi les sanglantes guerres de Syrie et d’Irak, qui recèlent à chaque épisode de nouveaux pièges comme autant de boîtes de Pandore.
Comment ne pas se sentir nostalgiques devant les photographies de Félix Bonfils, photographe de la fin du XIXe siècle, qui a immortalisé la géographie biblique de la Terre sainte et ses communautés vivant en paix sous l’Empire ottoman ? Installé à Beyrouth, Bonfils voyageait alors vers Jérusalem, Damas, Alep, Palmyre, Balbeck, l’Égypte sans souci des frontières… Il en est tout autrement aujourd’hui. Cette Palestine de Bonfils a vécu. Tout a été bouleversé avec la création de l’État d’Israël dès 1948 et le grand exode des Palestiniens qu’eux-mêmes baptisent du nom de Nakba, la grande catastrophe. Éclipsé médiatiquement, le conflit israélo-palestinien est cependant toujours latent. Un État fort (Israël), de surcroît démocratique, à l’indéniable supériorité militaire et technologique, maintient une population civile arabe (les Palestiniens) dans la précarité et une quasi-indigence (à Gaza) sur un territoire fragmenté, clôturé, dont il garde les issues, en cachant les clés.
Les auteurs de Gibraltar se sont rendus en Palestine, en Israël et au Liban, dans le camp tristement célèbre de Chatila, à Beyrouth, pour vous ramener des fragments de vie quotidienne de ces hommes et femmes qui racontent comment Vivre entre les murs, c’est le titre du dossier du numéro 5 de Gibraltar et trouver – encore – des raisons d’espérer.
Voici le sommaire de ce dossier Palestine-Israël, Vivre entre les murs dans ce Numéro 5 de la revue Gibraltar :
• Les accordeurs de paix par Marine Vlahovic
Ils exercent le même métier à quelques dizaines de kilomètres de distance mais sont séparés par des clôtures, des murs et une guerre sans fin. Zamir l’Israélien vit à Tel Aviv et Sameh le Palestinien, lui, à Ramallah. Tous deux sont accordeurs de piano et échangent depuis des années sans jamais s’être rencontrés. Ce matin d’hiver, Sameh, muni de son précieux laissez- passer, franchit enfin la barrière qui enserre les Territoires occupés et passe pour une journée “de l’autre côté” pour rendre visite à son confrère et se perfectionner.
• L’ombre des vivants à Chatila, à Beyrouth par Gilles-R. Souillés
Reportage au camp de Chatila, enkysté au milieu de Beyrouth, îlot de modernité et de prospérité indécente dans un Proche-Orient en lambeaux. Rencontre avec ses habitants grâce au plasticien Patrick Pavan qui mène un travail aux côtés des enfants du camp palestinien.
• Les gardiens de la colline grise d’Hébron par Marine Vlahovic
Sur la colline de Tell Rumeida peuplée de vieux oliviers, une maison aux murs tagués domine Hébron, la seule ville palestinienne colonisée de l’intérieur par les Israéliens. Cernée par 2000 soldats et 500 colons, une poignée de jeunes pacifistes palestiniens résiste à l’occupation et veille sur les arbres millénaires.
• Fiction : une nouvelle Ces murs de l’âme que l’on abat de Colette Berthès.
• Portfolio noir et blanc : Terre sainte, terre des dieux, images d’avant la partition par Danielle et Serge Nègre, Photographies de Félix Bonfils
Palestine et Terre sainte au temps du photographe Félix Bonfils (1831-1885). Images du XIXe siècle sous l’Empire ottoman recueillies par le photographe Serge Nègre, avant le modernisme et la partition de la Palestine et la création de l’État d’Israël. La Terre sainte ressemblait alors encore aux récits bibliques.