La Méditerranée est au cœur de l’existence de Jean Genet. Dès son enfance, il s’échappe, fugue, s’engage dans l’armée, déserte, vagabonde, erre… Ces errances clandestines nourrissent une large part de ses livres et sont prolongées après sa sortie de prison et l’accès à la notoriété, par le voyage. Berceau des premières expériences et abri lumineux à la fin de sa vie, la Méditerranée est le pôle magnétique de sa trajectoire, celui auquel le poète revient avec obstination.
Il y a trente ans disparaissait Jean Genet, le plus flamboyant et le plus rebelle des écrivains du XXe siècle. À ce poète de la liberté et de l’ailleurs, qui commença son œuvre en prison et l’acheva sur les rives du Jourdain, le MUCEM de Marseille rend hommage jusqu’au 18 juillet . Cette exposition au Fort-Saint de Marseille s’enracine dans ce territoire qu’il aimait plus que tout autre, la Méditerranée : point de fuite de l’Europe et ouverture sur l’Afrique et le Moyen-Orient. Pôle magnétique de sa trajectoire, la Méditerranée offre à Genet la chance d’une « échappée belle » titre de cette exposition.
Ds l’âge de treize ans, Genet brûle de quitter l’Europe et la France. Il veut partir pour l’Égypte, l’Orient, l’Algérie, l’Afrique. « Mon enfance, dit-il, a rêvé de palmiers. » Mais il rêve trop fort, fugue, fraude, s’évade, s’engage dans l’armée et déserte, vole enfin. On l’arrête, on le ramène à Paris, on le place en maison de correction, puis en prison.
C’est un délinquant, un homme sans attache, sans père ni mère, sans domicile ni patrie, sans feu ni lieu, mais il possède une arme : la langue française. Dans sa cellule de la Santé ou de Fresnes, avec un certificat d’études et un livre de grammaire pour tout bagage, il commence à écrire ses premiers poèmes, ses premiers romans.
Avec son enfance abandonnée, sa solitude, ses prisons, ses souvenirs d’errances misérables à travers l’Espagne et l’Europe en quête d’ailleurs, avec le désastre que constitue sa vie, il compose l’une des œuvres littéraires les plus flambantes de la littérature française, retrouvant dans la poésie une patrie hors territoire : « La France, écrit-il dans Journal du voleur, est une émotion qui se poursuit d’artiste en artiste. »
Le parcours de l’exposition est organisé en trois thèmes dont chacun fait se croiser un moment de sa vie, une de ses œuvres, et un territoire méditerranéen :
Le Journal du volet, l’Espagne ;
Les Paravent, l’Algérie ;
Un captif amoureux, la Palestine.
L’exposition donne à voir les déambulations réelles et imaginaires de Genet, depuis ses premières fugues adolescentes vers le Sud, jusqu’à la fin de sa vie au Maroc. Écriture, vagabondages, engagements, amitiés et témoignages sont ici rassemblés autour de la figure du seul artiste que Genet ait jamais admiré : Alberto Giacometti. On suit le chemin de Genet à travers trois salles distribuées autour de L’Homme qui marche de Giacometti, considéré aujourd’hui comme l’une des sculptures les plus célèbres du XXe siècle. Placé en son centre, il voisine avec deux autres œuvres de Giacometti : son célèbre Portrait de Jean Genet, issu des collections du Centre Pompidou, et un dessin au crayon de la tête de Genet.
Placer la relation unique de Genet à Alberto Giacometti au cœur de l’exposition, c’est rappeler que les trois espaces de l’œuvre ici présentés, reflétant l’aventure du voleur, du dramaturge et du politique, ne sont articulés, nourris, reliés que par une relation profonde à l’art. C’est en artiste et en poète que Genet traverse délinquance, théâtre, ghettos noirs d’Amérique et camps palestiniens de Jordanie et du Liban.
Les commissaires de cette exposition ont choisi d’assumer la part littéraire d’une telle exposition en entrant dans les territoires de Genet à travers ses livres, rythmant son parcours avec trois chefs-d’œuvre ancrés dans une région méditerranéenne : Journal du voleur, Les Paravents et Un captif amoureux. À eux trois, ils traversent la vie de Genet, les genres littéraires qu’il a abordés et bouleversés, et sa géographie d’élection —Espagne, Maghreb et Moyen-Orient—, et esquissent sa tentative d’échapper au monde occidental tout en donnant à la littérature quelques-uns de ses plus beaux livres.
Les trois manuscrits de ses œuvres capitales, ainsi que les premières notes de Quatre heures à Chatila et l’incroyable dispositif scriptural de La Sentence sont exceptionnellement réunis et présentés en vitrine au centre de chaque salle dont les murs renvoient, quant à eux, au dehors et au contexte de l’œuvre. Celui-ci est constitué par des œuvres d’artistes, des photographies d’époque, des documents biographiques exposés pour la première fois, des éléments de contextualisation historique ainsi que des témoignages filmés.
En savoir plus : Exposition Jean Genet, l’échappée belle, jusqu’au 18 juillet 2016, à Marseille, au Fort Saint-Jean, bâtiment Georges Henri Rivière (GHR).
Un très beau catalogue est en vente à la librairie du MUCEM au J4, intitulé Jen Genet, l’échappée belle au prix de 32 euros, comprenant des documents inédits sur la vie de Jean Genêt.